Contexte, toujours plus pratique quand on est perdus

Les esprits. Des êtres invisibles et à la fois omniprésents, qui se multiplient inlassablement à mesure que le temps passe. Nul ne sait réellement quand ils sont apparus, comment, ou encore pour quelle raison, mais leur existence a très vite pris une place primordiale dans la société japonaise, devenant un enjeu économique et politique crucial.

L’apparition des esprits en ce bas monde a toujours été mystérieuse et inexplicable pour l’homme. Au fur et à mesure des recherches, l’homme découvrit que les esprits étaient reliés aux objets et plus l’objet en question était fabriqué en grande quantité, plus le pouvoir de l’esprit était puissant. Tables, chaises, lampes, sabres ou même toriis ; pour chaque objet créé par l’humain, il y avait un esprit.

D’après ce qui avait été compris, les esprits auraient eu besoin de l’homme pour subsister. Leurs raisons étaient souvent mystérieuses, mais ils semblaient attirés par l’idée de former des pactes avec son espèce créatrice. En échange d’une contrepartie, il leur conférait des capacités particulières dans les limites de son domaine, capacités que l’humanité nommera vite le « Kamiryoku », ou Force Divine. Contrairement aux autres êtres vivants, les esprits étaient presque immortels ; tant que l’objet auquel ils étaient reliés existait, ils subsisteraient également. Et, même s’il ne restait que de vieilles reliques d’eux, comme ce fut le cas des Haniwa, ils restaient présents, bien qu’affaiblis.

Mais revenons-en au Japon. Alors qu’en 1599, lors de l’Epoque Azuchi-Momoyama, les mouvements d’unification du Japon sont à leur paroxysme, les esprits sont également très présents et utilisés dans toute forme de stratégie. Les guerriers comptaient sur les esprits de leurs armes et armures, tandis que les artistes rêvaient d’être bénis par les esprits de la peinture ou du koto. Ainsi étaient souvent mis en place des compétitions pour hériter de l’esprit de son ancien propriétaire décédé, de tournois d’arts martiaux à concours de calligraphie, la liste était longue. Chacun tentait de prouver à l’esprit qu’il était le plus à même de recevoir sa bénédiction ; mais l’esprit avait toujours le dernier mot, et le vainqueur n’avait aucune garantie de recevoir sa récompense.

Mais si les esprits étaient très appréciés, et même vénérés au point de tenir des fêtes annuelles à leur égard, chacun d’entre eux n’était pas pur et bon, et nombreux furent les hommes à succomber sous leurs pactes. C’est pourquoi se développa la caste des chasseurs d’esprits, dont l’objectif était de se débarrasser de ces dangers. Subissant de longues années d’entraînement, ces chasseurs devaient à la fois maîtriser l’art du sabre et les arts martiaux. Mais avant tout, ils devaient s’entraîner à voir. Car les esprits, translucides, n’étaient repérables que par leur aura, qui noircissait à mesure de leurs méfaits. Les meilleurs chasseurs développaient cette capacité naturellement, mais la grande majorité en était incapable, et devait espérer qu’un esprit bienveillant vienne faire un pacte avec eux en leur donnant cette extraordinaire vue. Une fois l’entraînement terminé, on leur fournissait des lanternes pour y sceller les esprits, et des armes capables de les atteindre, puis ils commençaient par chasser des esprits dont les délits étaient mineurs. Les plus expérimentés se voyaient demander la traque des esprits recherchés par la loi, ceux dont l’âme tirait dangereusement sur un pourpre ou pire, viraient au noir pur.
Mais malheureusement, tous les chasseurs d’esprit n’étaient pas forcément honnêtes, et très vite, on vit se développer un marché noir réservé aux esprits. On les revendait à des milliers de yens, et les forçait à faire des pactes avec leur nouveau propriétaire – pactes souvent particulièrement douteux. Certains s’adonnaient aux expériences les plus folles, consistant à essayer de posséder plusieurs esprits à la foi ; mais ces personnes sombraient vite dans la folie, et leur espérance de vie se voyait plus que réduite.